Des tirages numérisés du projet "Landshaping" sont en ligne
AUTOBIOGRAPHIE
1988-1993
A posteriori
Le présent s’accumule dans un désordre où se mêlent indifférents les projets, oubliés avant même toute gestation dans un futur figé où les repères sont deux êtres aimants. Nul besoin de chercher à garder la mémoire des moments. Ils se répéteront.
Et puis, histoire banale, Elle - mais dans d’autres circonstances cela aurait pu être Moi -, si intimement liée au processus, quitte vite, presque par surprise, le refuge qu’on voulait bien croire protégé des Autres.
Elle part. Pas seule, il y a l’Autre. Alors, flash-back dans ce crépuscule d’une fin inopinée, reviennent implacables, les souvenirs partagés dans l’apprentissage de cette portion de vie qui mène de l’adolescence à l’adulte puis à l’Enfant qui fait peur mais dont on a tant envie.
Et qui part, Lui aussi.
Alors, dans ce vide obscur, effrayante est la sensation que ce Passé: Elle l’arrache et le partagera avec l’Autre. Ce vécu dont on voudrait qu’il fut la matière antifissile de l’Amour partagé, resurgit, accumulation désordonnée, il devient essentiel d’en revendiquer la propriété, il faut le signer, lui imprimer la marque indélébile du Moi. Il faut lui donner une forme, une apparence, faisceaux latents lumières enfouies à la recherche de surfaces qui les interceptent mais les perturbent, les distordent pour les pervertir dans les fantasmes du presque rêvé - de ce que cela aurait pu être - afin que ce Passé devienne unique et indivisible.
Dans la solitude, que je sois le dépositaire de ces moments retrouvés dans la Renaissance exaltée par la fusion du corps se les appropriant pour les leur rendre inutilisables et dont seule l’émulsion, autre épiderme sensible et complice, devient la preuve de l’appropriation, accomplissant par là même, la continuité des ruptures, le Passé et le Présent.
S’il ne reste plus que cela, Passé au féminin, tu m’appartiens.
Jean-Paul BERGER
Sarrebruck, février 1993.
LANDSHAPING
1991-1996
Recomposition d’un espace paysager
C’est un voyage dans l'espace paysager rendu possible par la boîte photographique, dont le viseur et l'objectif sont le véhicule, et qui permet d'entrer et de se déplacer dans un monde éclaté sous l'effet d'une structure réfléchissante, un monde qui se fait et se défait au gré d'infimes mouvements de la caméra.
Le visiteur privilégié, en l'occurrence celui dont l'œil fixe le dépoli de mise au point, se promène dans un espace de géométrie et de textures. Au coin d'un reflet de miroir, il s'organise, se refabrique. La sensation est alors celle de celui qui déambule dans des ruelles de la médina d'une ville d'Afrique du Nord et saisit l'organisation extrême et fugitive de l'espace. La moindre agitation d'un miroir ou l'infime déplacement de la caméra fait disparaître ce nouvel arrangement qui s'avère être définitivement perdu.
Cette envie, vite devenue une obsession, de mettre à plat sur la pellicule l’espace tridimensionnel qui m’entourait, est apparue, dans le fin des années 70, au cours des trajets routiers qui me menaient d’un reportage à l’autre en Europe, au volant d’un fourgon. Durant ces moments, souvent fastidieux du fait de la lenteur du véhicule, j’avais le loisir de prendre des clichés tout en conduisant, clichés dans lesquels j’incluais fréquemment le rétroviseur largement dimensionné.
C'est un reportage dans le temps où l'espace est instantané. Ici les notions de temps et d'espace sont intimement mêlées.
Jean-Paul BERGER.
Paris, Photofolie 1993